La grippe vue par la médecine traditionnelle chinoise

Article publié dans le magazine Santé intégrative n°31, janvier/février 2013

GrippeLa grippe selon la médecine occidentale est une maladie infectieuse d’origine virale qui peut se transformer en maladie bactérienne par la surinfection. Elle peut être grave chez les sujets âgés ou chez les patients fragilisés par une maladie chronique comme les broncho pneumopathies obstructives, les asthmatiques, les insuffisances cardiaques avec œdème du poumon, les malades cancéreux affaiblis par la chimiothérapie.

La médecine traditionnelle chinoise quant à elle, considère les agents infectieux comme des énergies pathogènes externes appelées les « Xie Qi » au même titre que les 6 énergies climatiques, saisonnières, «cosmiques » comme le vent, le froid, la chaleur, l’humidité, la sécheresse et la canicule. La grippe « Gan mao » signifie la blessure par le froid « Shang Han» ou « Shang Feng », la blessure par le Vent. Gan mao est l’expression du combat entre l’énergie perverse externe considérée comme l’agresseur et l’énergie droite, le Zheng Qi considérée comme le défenseur. Les correspondances avec la médecine occidentale sont évidentes : Les Xie Qi, les agresseurs peuvent être aussi bien des virus, des bactéries, des parasites, que la pollution atmosphérique ou les toxines environnementales. Le Zheng Qi est comparable au système de défense immunitaire de la médecine occidentale.

Si le Zheng Qi est puissant, la capacité à résister à l’invasion par les Xie Qi s’exprimera par une forte fièvre, des frissons, la grippe évoluera rapidement vers la guérison. Si le Zheng Qi est faible, les Xie Qi pénètreront de plus en plus en profondeur, le froid externe se transformera en chaleur interne. Ainsi la grippe qui au départ était une maladie de blessure par le froid « Shang Han » deviendra une maladie de tiédeur « Wen Bing ». A l’époque de la dynastie Han, Les maladies liées à la « blessure par le froid » furent l’objet de recherche du célèbre médecin Zhang Zhong Jing, auteur du « Shang Han Lun », tandis que les maladies de tiédeur ont fait l’objet de recherches cliniques importantes durant le 17è siècle par Ye Tian Shi.

La grippe est caractérisée par une série de symptômes comme la céphalée, l’obstruction nasale, l’écoulement nasal (le rhume), l’éternuement, la douleur de la gorge, la fièvre, les frissons. Dans certains cas de « grippe intestinale », on peut avoir des symptômes digestifs comme la nausée, le vomissement, la diarrhée. Chez des sujets en bonne santé dont l’énergie droite est solide, la grippe est une maladie bénigne. La clé du succès pour guérir d’une grippe est donc la précocité du traitement avant que les Xie Qi pénètrent plus en profondeur.

Parmi les 6 Xie Qi pathogènes externes, le vent et le froid sont les plus virulents. Le Vent est une énergie yang très agressive, souvent appelé « le fer de lance des 100 000 maladies ». Le Vent pathogène est souvent associé aux 5 autres Xie Qi externes selon la saison : le Vent froid en hiver, le Vent chaleur plutôt au printemps, le Vent caniculaire en été, le Vent humidité à la fin de l’été (à l’intersaison), le Vent sécheresse en automne.

Selon la médecine chinoise, le système de défense contre la pénétration des perversités externes est énergétique : cette énergie « véritable, authentique » est le Zhen Qi qui circule dans un maillage complexe formant le réseau des Méridiens, les Jing Luo qui transportent non seulement l’énergie (le Qi) mais également les liquides nutritifs (les jin ye) et le sang (xue). Le Zhen Qi représente toute forme d’énergie produite par les processus de transformation dans le corps. Les 5 fonctions principales du Zhen Qi sont l’activation, le réchauffement, la défense, l’astringence, la transformation des 4 substances qui sont le Qi lui-même, le sang, les liquides nutritifs et l’essence vitale mise en réserve dans les Reins. Le Zhen Qi provient la transformation du Zong Qi (l’ancêtre des énergies) sous l’influence du Yuan Qi (l’énergie ancestrale) qui est la forme active de l’Essence- Jing des Reins. Elle circule sous deux formes :

  • Une forme yin, l’énergie nourricière, le Ying Qi qui circule à l’intérieur des méridiens, des vaisseaux sanguins et des 12 organes énergétiques internes (le foie et la vésicule biliaire, le cœur et l’intestin grêle, la rate et l’estomac, le poumon et le gros intestin, les reins et la vessie)
  • Une forme yang, l’énergie défensive, le Wei Qi qui circule à l’extérieur des Méridiens et des vaisseaux, dans l’espace se trouvant entre la peau et les muscles superficiels qu’on appelle les « cou li » qui constituent la première couche de défense contre la pénétration des Xie Qi externes. Le Wei Qi réchauffe, nourrit, humidifie la peau, les pores et les poils, il contrôle l’ouverture et la fermeture des pores de la peau régulant ainsi la transpiration. Un vent froid externe puissant ferment les pores de la peau, c’est pourquoi il n’y a pas de transpiration, la fièvre est modérée car le Zheng Qi de défense est resté emprisonné à l’intérieur. Mais les poils se redressent pour s’opposer au Vent et donner des frissons importants. Quand le Wei Qi perd sa fonction d’astringence, de contention du Qi, les pores de la peau restent entrouvertes en permanence, le patient attrape froid facilement et souvent, la transpiration est aggravée par l’effort physique qui épuise d’avantage le Wei Qi. Le Wei Qi participe donc à la fois à la défense et à la thermorégulation en ajustant la température corporelle grâce à la transpiration.
  • ? Le Wei Qi est le « gardien de la surface », il monte la garde durant le jour en circulant 25 fois dans les 6 Grands Méridiens qui représentent en fait les couches énergétiques successives de pénétration du froid pervers depuis la surface vers la profondeur. C’est le concept diagnostic de la blessure par le froid développé par Zhang Zhong Jing: la première couche envahie est le grand méridien Tai yang ( connexion entre les méridiens Vessie et l’intestin grêle), puis Shao Yang (connexion entre les méridiens vésicule biliaire et triple réchauffeur), puis Yang Ming (connexion entre les méridiens estomac et gros intestin), puis Tai yin (connexion entre les méridiens Rate et Poumon), puis Shao Yin (connexion entre les méridiens Cœur et Reins), puis Jue Yin (connexion entre les méridiens Foie et maitre cœur). Quand le vent froid pervers s’enfonce dans la profondeur, il se charge de la puissance yang du Wei Qi pour se transformer en chaleur, ce qui explique la fièvre importante qui fera transpirer, les expectorations au début claires deviendront épaisses, les frissons disparaissent, la transpiration permet ainsi de chasser l’énergie pathogène en dehors du corps et la grippe sera en voie de guérison rapide.
  • Le Wei Qi se retire durant la nuit, en se réfugiant dans la profondeur du corps, pour circuler 25 fois à l’intérieur des 5 Organes internes suivant le cycle Ke de contrôle : il passe des Reins au Cœur, du Cœur au Poumon, du Poumon au Foie, du Foie à la Rate. Le Wei Qi joue un rôle similaire au Zheng Qi, l’énergie droite. L’énergie défensive yang et nutritive yin sont interdépendantes, antagonistes et complémentaires. Une bonne nutrition conditionne une bonne défense immunitaire.

Grâce aux 8 règles diagnostic « Ba Gua », la médecine chinoise peut analyser le terrain énergétique du malade défini par l’état de vide ou de plénitude du Zheng Qi, la nature froide ou chaude du xie qi. Elle permet également de déterminer la localisation de la maladie, soit en surface, soit en profondeur. Le rapport de force entre le Zheng Qi et le Xie Qi conditionne la guérison ou l’aggravation de la grippe. Le traitement de la grippe par la médecine chinoise est très efficace durant la phase aigue grâce à l’acupuncture, les moxas, les ventouses.