A la mémoire de notre Grand–Père

La vie est fragile, à l’image de la rosée délicatement suspendue aux herbes en gouttelettes de cristal qu’emporte la première brise du matin le 8 Juillet 2005. La bougie de ta vie s’est éteinte doucement, lentement, sans déranger personne. Tu es parti comme tu as vécu, paisiblement.

Opposé à l’acharnement thérapeutique, tu ne voulais plus t’accrocher à la vie à tout prix, à n’importe quel prix, au prix de la dépendance et du handicap. Au contraire, tu aspirais et tu te préparais à mourir en paix entouré de l’Amour des tiens .Tu avais atteint l’évolution spirituelle d’un Sage Bouddhiste qui considère que la vie et la mort ne sont que des changements d’états énergétiques, intimement entremêlés dans le cycle perpétuel du Samsara.

Ta santé fragile t’a appris à te préserver des excès, à accepter avec humilité l’impermanence des choses de la vie, à te détacher des futilités. Tu préférais écouter plutôt que parler, ressentir les émotions plutôt que de les exprimer, car tu étais ce sage au grand cœur, pudique, réservé qui ne voulait ni déranger, ni faire de mal, qui aimait les autres au-delà de lui-même. L’amour inconditionnel et fusionnel de notre Grand–Mère Boun Gnong t’a vénéré, soutenu, porté, protégé jusqu’à ton dernier soupir. Son intelligence intuitive était ton meilleur médecin. Dans le silence de la vérité de son cœur aimant et chaleureux, elle a su détecter tous les dangers qui menaçaient ta santé. Je pense qu’elle a beaucoup contribué à ta longévité exceptionnelle malgré ta santé au départ si fragile.

SISAVATH, tel est ton nom. Il signifie le « rayonnement »

Le rayonnement de ta générosité qui ne se limitait pas seulement à ta famille proche mais s’étendait à tous les « phinong thai Sithandone», qui signifient les natifs de la région de Sithandone.

Grâce au rayonnement de ta compassion basée sur la tolérance et le respect de la différence.

  • Ta vie fut un exemple de devoir construit sur le sens de la dignité et de l’honneur d’une grande famille native de Sithandone dont tu es devenu le patriarche naturel et incontesté. Je me souviendrai toujours de ces paroles qui ont guidé toute ta vie : « Laksa kied lê saksi khong vong takoun » qui signifie la « dignité et l’honneur de la lignée.
  • Tu nous as enseigné le sens de la cohésion familiale née de l’amour et du respect des uns envers les autres. Complice et tendre avec tes filles, tu étais par contre exigent pour la réussite des études pour tes fils, futurs chefs de famille. Accéder à la connaissance, acquérir un diplôme, conquérir une carrière professionnelle étaient pour toi une marque de réussite personnelle, et un signe de prestige familial.

Doué d’une intelligence raffinée et d’une persévérance acharnée au travail, tu as réussi à bâtir une carrière professionnelle exceptionnelle mise au service de ton pays, professeur au lycée français de Paksé, ambassadeur commercial en Thaïlande, directeur général au Ministère des Finances.

  • L’exemple de ta vie nous a donné l’Amour pour le Laos, la Terre de nos ancêtres, ce pays brodé de lumières doté d’un énorme potentiel de développement et de prospérité. Cet Amour du Laos sommeille en chacun de nous comme une flamme d’espoir enveloppée dans un cœur de Compassion.
  • L’avenir du Laos dépendra non seulement de notre capacité à nous adapter au présent d’un monde qui bouge, mais encore de notre ténacité à transmettre à notre descendance l’héritage d’un passé qui appartient à la mémoire d’une famille, à la conscience collective d’un peuple tout entier.

Honorable et honoré, respectable et respecté, tu es devenu notre Mentor, notre Maître à penser. Nous garderons de toi la mémoire d’un philosophe qui avait le sens des réalités car tu te sentais concerné par les profonds changements de ton temps. Porteur de l’héritage d’une filiation, cher Grand- Père tu peux être fier de ce que tu laisseras derrière toi :

  • Une descendance digne de ta mémoire, soudée par une souffrance partagée autour de Grand-Mère, une petite femme frêle et pâle qui a le courage de l’amour. L’amour de toi, l’amour pour toi. Cet amour était réciproque, il lui a donné un sens à sa vie.
  • La transmission d’un héritage moral, affectif, intellectuel auquel nous promettons de rester fidèles : un héritage modelé sur le respect de la dignité humaine et sur l’amour de la paix.

Mes yeux sont remplis de la vision nostalgique du crépuscule chatoyant sur les flots tumultueux du Mékong. Tu as entamé ton dernier voyage sans retour, sans regrets ni remords, l’âme en paix, après une vie accomplie, une vie à laquelle tu as su donner un sens.

  • Durant ta vie, tu étais présent par ton silence, à l’écoute des autres.
  • Dans la mort, tu es maintenant présent par ton absence. L’absence qui sublime la mémoire grâce au lien invisible, indestructible de l’Amour. Tu étais notre arbre de vie, généreux et protecteur. Nous devenons à notre tour l’arbre de vie pour nos enfants, capable de perpétuer ton héritage, capable
    •  De pardonner au passé
    • De vivre au présent
    • et de croire au futur.